Venant de
Toulouse, après son retour d'Espagne, invité par le Maire Joseph
Vialettes de Mortarieu, Napoléon 1er se rend à Montauban dans la soirée
du 28 au 29 juillet 1808. Il est accompagné de L’Impératrice Joséphine.
Le peuple de
Montauban est en liesse. Le Maire habile administrateur et adroit
diplomate, a préparé un accueil grandiose. Des arcs de triomphe sont
dressés par Joseph Ingres. Gardes d’honneur
en apparat, feux d'artifices, demoiselles en robes blanches. Les
principales façades des immeubles de la ville sont repeintes en blanc.
La foule s'ordonne aux fenêtres et
balcons illuminés. Ce spectacle dure toute la nuit du 29 au 30 Juillet
1808. En fin d'après midi du 29 Juillet Napoléon rend visite à
Castelsarrasin, puis à Moissac où il est reçu par le Maire Jean Pierre
Détours. Il dîne à l'Hôtel de la marine chez Mme Lafleur. Un décret
impérial de ce jour institue
Moissac comme sous- Préfecture. Ce même décret décide aussi la
construction d'un pont . Cette construction sera interrompue en 1814,
puis reprise en 1819. Elle sera achevée en 1825 et inaugurée par
Napoléon 3 en 1852.
(Une
anecdote) :
Pierre Delbrel , ancien
conventionnel dont on disait qu'il était de ceux qui avait brandi,
un poignard à
l'adresse de Bonaparte au jour du coup d'état du 18 brumaire, et que
deux grenadiers avaient expulsé de la salle des cinq cents en
l'empoignant sous les aisselles se voit
interpellé par Napoléon : Tu veux
toujours m' assassiner, Delbrel, lui aurait-il dit en riant !
Que souhaites- tu pour ta ville ?
Sire, un pont et une sous Préfecture. Tu auras les deux. Mais il
faut aussi un tribunal et je t'en nomme le premier Président .Sire, je
refuse ce titre , car je ne veux, en tant qu'homme libre, prêter aucun
serment, fut-ce à votre Majesté. Je te sais honnête homme, tu ne prêtera
pas de serment et tu sera premier Président.
Napoléon et
Joséphine passerons la nuit du 29 au 30 juillet 1808 à l'hôtel des
intendants. Ce matin du 30 juillet
de très bonne heure, Napoléon est un lève tôt, qui se rattrape
d'ailleurs par des sommeils courts
et intermittents dans la journée, il effectue une promenade
à cheval en compagnie du grand
maréchal du Palais Michel Duroc, du maréchal Berthier le
Chef d'état Major de la grande
armée, et du Duc de la Force, filleul de Louis 18. Ce dernier
est aussi le frère de la Duchesse
de Balbi, favorite du Comte de Provence futur Louis 18, comploteuse
contre Napoléon .Elle a été envoyée en exil par ce dernier à Caen en
1806. Elle revient à
Montauban chez son frère en 1808 dans l'hôtel qui porte encore son nom.
Hôtel Balbi actuellement occupé par la Chambre de Commerce et
d'industrie. Son frère habitait en face à l'hôtel Albrespy (hôtel à
colonnes à l'angle de la rue du Moustier).
Napoléon et son
escorte empruntent le Faubourg Lacapelle, puis entreprennent de
descendre la côte Tortre jusqu' à
la rivière du tescou. La ville lui plait, elle ne lui est pas tout à
fait étrangère. Il vient de nommer Baron d'Empire le Général Jean
Pierre Doumerc qui participa à la Bataille d'Austerlitz comme colonel.
Son nom figure sur l'arc de triomphe de l'étoile .D'autres vont suivrent
dans la foulée en la personne des généraux Laplanche et Saint
Génies. Montauban est aussi la
ville natale du Marquis de Guibert, dont les traités de stratégie
et de tactique militaires n'ont jamais quitté le chevet de Napoléon, et
ce depuis Valence lorsqu'il était Lieutenant en second d'infanterie ;
(il avait 16 ans).
N'est-il pas
aussi subjugué par l'accueil qui lui est fait ? Toujours est-il qu'il
entreprend aussi une visite de la
ville avec Joséphine. Ils sont partout vivement acclamés. Joseph Ingres,
le père de Dominique, les accompagne, leur sert de guide. L'Empereur lui
remet une importante somme d'argent en récompense de la part
qu'il a prise dans l'organisation de son accueil. Napoléon s'enquiert
également de l'état du commerce de
Montauban, de sa population de ses revenus. En traversant la place
Impériale ( actuelle place Nationale), il est interpellé par un
groupe de jeunes gens en goguette , il les salue d'un signe de la main.
Arrivé à l'hôtel des intendants une vieille dame demande à rencontrer
L'Empereur. Elle
se nomme Mme Lacaze veuve de Jean Labruyère, vigneron de la paroisse du
Fau.
Son jeune fils, a
été tué lors du siège de Mantoue en Italie en 1797.Sa bravoure lui
aurait valu l'attribution d'un fusil d'honneur. Mme Labruyère dépose
ledit fusil aux pieds de Napoléon qui, très ému commande qu'on lui
attribue une pension de 300 francs.
Au cours de la
très studieuse réunion qui se tient à l'hôtel des intendants, Napoléon
écoute avec attention les élus et les
personnalités choisies en raison de leur compétence. On lui
présente la carte de la région, il fait prendre des notes, pose de
nombreuses questions. La légende avance à ce sujet que Napoléon aurait
spontanément posé son poing sur l'une des
cartes, et tracé le contour de
celui-ci avec un crayon. Ce qui tendrait à expliquer la forme du Y
que configure l'actuelle géographie physique du Tarn et Garonne.
En fait, il
paraît plus réaliste de retenir la thèse d'une étude approfondie basée
sur des données cadastrales, mais aussi économiques, et notamment
l'importance des populations qu'il convenait d'agréger afin de
constituer un ensemble cohérent.
Dans une note
adressée à son Ministre de l'Intérieur, M. Maret, Napoléon écrivait en
ces termes "J'ai l'honneur de transmettre à votre excellence une note
que je viens de dicter relativement
à la création d'un nouveau département qui aura pour chef lieu
Montauban."Il est impossible de laisser Montauban dans l'état
d'abandon où elle se trouve, et il convient de la créer chef lieu d'un
nouveau département dont le territoire serait pris sur les départements
voisins : Le Lot a 380000 habitants, on lui ôtera l'arrondissement de
Montauban et de Moissac avec 100000
habitants. La haute Garonne a 433000 habitants, on lui ôtera
l'arrondissement de Castelsarrasin
avec près de 100000 habitants. Le Lot et Garonne a
533000 habitants, on lui ôtera
Valence et 50000 habitants. Le Tarn a 272000 habitants, on lui
ôtera un arrondissement de 30000
habitants. On pourra aussi ôter au Gers 12 à 15000
habitants. Le nouveau département
qui portera le nom de Tarn et Garonne, aura donc près de 300000
habitants.
Sa Majesté désire que le Ministre
fasse faire la carte de ce nouveau département,
pour la lui présenter avant la
fin du mois d'Août 1808, avec les projets de loi et de règlement. Cette
affaire devant être portée au prochain corps législatif"
En définitive,
c'est donc à partir des descriptions arrêtées dans cette note que la
configuration du département de Tarn et Garonne à été crée à l'exception
d'une partie du Tarn qui n'a pas été retenue.
On peut tout de
même s’étonner, de l'implication directe et personnelle de Napoléon lei
dans la trame menant à la création de ce département, alors que d'autres
soucis majeurs occupaient l'esprit et les décisions dans ses choix,
notamment en 1808.
C'est donc en
cette fin d'après midi du 30 Juillet 1808, avant de reprendre le chemin
d' Agen, Bordeaux, Rochefort et Paris, que Napoléon prend congé de
Montauban après avoir reçu les clés symboliques de la ville. S'adressant
au Comte Maurice de Scorbiac et au Baron Viallettes de Mortarieu, il
déclare en ces termes ; -Je suis satisfait de l'amour que
m'ont témoigné mes fidèles sujets de ma bonne ville de Montauban. J'ai
vu avec peine les pertes qu'elle a éprouvées. Je la rétablirai dans ses
droits. Vous pouvez la considérer comme ville chef lieu de département,
et je la mettrai au rang des principales villes de l’Empire. "
Ainsi, le 4
novembre 1808, un arrêt du Senatus Consulte (Conseil d'état), présidé
par Jean Jacques Cambacérès, décrète la création du département de Tarn
et Garonne. Napoléon devait
contresigner ce texte le 21 novembre 1808, depuis le Camp militaire
Impérial de Burgos, marquant de ce fait la filiation Espagnole du
département.
Par ce même
décret il nommait le premier Préfet d'Empire : Mr Le Pelletier d’Aulnay
âgé de 26 ans. Ce dernier devait prendre ses fonctions officielles le 26
novembre 1808 dans l'hôtel des intendants. Cet hôtel avait été
acheté par Napoléon pour la somme de 50000 francs.
La construction de ce jeune
département explique tout de même la diversité des
paysages Tarn et Garonnais. Fait
de morceaux épars de Quercy, de Rouergue, de Languedoc,
de Gascogne, le Tarn et Garonne est
parvenu 200 ans après à une incontestable unité autour de
Montauban. Deux hommes d'Etat, et non des moindres, Richelieu et
Napoléon ont pesé de manière
décisive sur les destinées du département et de son chef-lieu, né lui
même de la volonté du Comte de Toulouse Alphonse Jourdain,
fondateur de la ville en 1144. |