Palimpseste maghrébin - Mémoire de Harkis

 

Le lundi 13 février 2012, dans le hall d’accueil de l’Hôtel du Département, le Lieutenant-colonel IOULALEN, Président de la Fédération départementale des Harkis a présenté l’exposition consacrée à l’histoire des Harkis « Palimpseste magrébin – Mémoires des Harkis », dont il a été le maître d’œuvre. Cette exposition retrace l’histoire de ce Maghreb depuis la Préhistoire à la Guerre d’Algérie.

Après l’allocution de Monsieur José GONZALES, représentant Monsieur Jean-Michel BAYLET, Président du conseil général, le Lieutenant-colonel IOULALEN a expliqué pourquoi les Harkis constituaient une des pages douloureuse de notre histoire de France.

                 Je tiens à remercier tout particulièrement, Monsieur Jean-Michel Baylet, Président du Conseil Général, de nous accueillir dans ce superbe espace et de l'aide précieuse et généreuse qu'il nous apporte. Sans lui, cette exposition n'aurait pas pu être présentée, en priorité et en avant première, aux Tarn-et-Garonnais, puisqu'elle est déjà demandée et retenue.

Cette exposition est une version revisitée de l'exposition originelle de 1993 avec l'apport de nouvelles archives, de nouveaux témoignages et un support qui la rendra plus lisible. C'est la raison pour laquelle nous avons choisi le terme de « palimpseste » qui signifie « parchemin manuscrit dont on a effacé la première écriture pour pouvoir écrire un nouveau texte ».

L'exposition se compose de trente-sept panneaux qui retracent les grands traits de l'histoire du Maghreb dans laquelle s'insère la mémoire des Harkis.

 

Cette exposition c'est une mémoire dans l'histoire.

Le Maghreb appartient au bassin méditerranéen.

Son peuple est à l'image de son sol : rugueux, accueillant, généreux et parfois changeant. Toujours réfractaire aux injustices et aux dictatures.

« Il ne peut ou ne veut gouverner, ni se laisser gouverner » dit-on de lui.

Et il l'a démontré tout au long des successives invasions et occupations qu'il a subies depuis l’Antiquité, carthaginoise, romaine, vandale, byzantine, arabe, turque et enfin française.

L'une de ses constantes a toujours été de fournir aux envahisseurs et occupants successifs, des combattants, des supplétifs, aux appellations variées suivant les époques :

Coulougli, Zouaoua, Spahis, Goums, Harka... À travers les siècles, de l'occupation arabe à celle des Turcs, d'un panneau à l'autre, vous pourrez suivre cette histoire...

L'occupation française n'a pas échappé à la règle.

Toutes ces occupations ont laissé des traces : patrimoine architectural, religions, traditions, savoir-faire, littérature, coutumes...

Dans certaines vitrines nous avons exposé des poteries, des tissages, des vêtements, des bijoux.

Pourquoi ?

Regardez-les : dans leur facture, on peut y lire les traditions et les croisements d'influences, ainsi pour les bijoux, celle des orfèvres juifs réfugiés d'Andalousie en 1492 et installés en Grande Kabylie. Le berbère a tout gardé et il en a croisé les fils comme un tissage. Pas de rupture.

Ces fils croisés, ce tissage, c'est la femme qui en a toujours eu la maîtrise. Elles sont gardiennes de la transmission comme des formes nouvelles. Les Gobelins l'ont compris quand, en 1965, ils font appel aux femmes de Harkis, héritières de ces tisserandes des hauts plateaux algériens pour insuffler leur créativité dans cette ancienne manufacture royale.

Mais aujourd'hui les fils qui retenaient le tissage au métier ont été coupés.

Ces Harkis, engagés nombreux aux côtés de la France, bien avant 1954 - lisez les panneaux sur les deux grandes guerres - ces harkis, qui avaient beaucoup donné, ont été abandonnés après le 19 mars 1962.

Pour les uns, au mieux, exode, familles éclatées, dispersion et enfermement dans des camps avec une vie misérable, dépourvus de tout et en particulier de toute reconnaissance.

Pour les autres, (mais est-ce vraiment le pire ?), désarmés, livrés, massacrés dans une Algérie qui ne voulait plus de partage.

Des deux côtés de la Méditerranée, on a voulu effacer. Mais comment allait se faire la transmission ? Des prisonniers...

Les faire oublier ? Mais est-ce vraiment les protéger ?

En France, à partir des années 1975-1980, sous les feux de la colère de leurs enfants, ils finirent par se réveiller : révoltes, occupation de locaux publics, prises d'otage, grèves de la faim, marches silencieuses...

Les Français ne comprenaient pas ces contestations, ces révoltes successives. Ils ignoraient tout du drame de cette population.

En Tarn-et-Garonne, nous avons choisi, dès 1990, l'apaisement par l'ouverture à la parole. Nous avons choisi d'accompagner leurs voix par une exposition afin d'expliquer la détresse de cette population qui était Française, qui est toujours Française et que nous avions laissé au milieu du gué.

Dans les années 90, cette exposition a beaucoup circulé en Midi-Pyrénées et en Auvergne, suscitant partout prise de conscience, dialogue et réflexions.

C'est cette exposition que nous avons décidé de reprendre maintenant que nos scolaires ont la question des Harkis inscrite dans leur programme, alors que 60 % de ces vieux serviteurs ont regagné leur dernière demeure et que beaucoup de leurs enfants ignoraient de ce passé, le proche comme le lointain.

Avec eux, aujourd'hui, interrogeons encore « l'immense et compliqué palimpseste de la mémoire » de ce Maghreb que l'on dit « terre d'invasion, de rejet, d'échec, de courage, d'incertitude et d'espoir, pays où, envers et contre tout, il n'est pas interdit dans la nuit présente d'attendre l'aurore ».