Les Vécus de nos Adhérents

   TÉMOIGNAGE D'UN MÉDECIN MILITAIRE DE RETOUR À OUAGADOUGOU.

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LE MEDECIN-EN-CHEF PIRAME

          Yves PIRAME, fils d’un sous-officier de la Coloniale, est né le 11 mars 1929 à Tananarive. Après des études secondaires au lycée Faidherbe de Saint-Louis du Sénégal, il est admis en1948 à l’école du Service de santé militaire de Lyon. Il est détaché au Val-de-Grâce en 1950, breveté militaire parachutiste à l’ETAP en 1952, reçu licencié en Psychologie en Sorbonne en 1953 et Docteur en médecine de la Faculté de Paris le 11 juillet 1954. Nommé à cette date médecin-lieutenant des Troupes coloniales pour prendre rang à compter du 1er janvier 1953, il rejoint l’Ecole d’application du Pharo le 1er janvier 1955.

 

D’octobre 1955 à octobre 1975, il sert outre-mer, hors cadres, d’abord en brousse au Tchad, puis dans les hôpitaux d’Ouagadougou, Nouméa, Yaoundé, Saïgon après avoir été reçu aux concours de l’assistanat (1958) et du médicat (1963).

Il est médecin-en-chef lorsqu’il est admis à la retraite, sur sa demande, le 2 novembre 1976 après 28 ans de service et totalisant 48 annuités.

Du 1er janvier 1977 au 31 mars 1994, il dirige le Centre médical des entreprises travaillant à l’extérieur qui assure de Paris le suivi des expatriés et de leur famille dans le monde entier.

En 1978, secrétaire général du syndicat professionnel des anciens médecins des Armées exerçant la médecine libérale et salariée, il siège, en tant que suppléant, au Conseil permanent des Retraités militaires auprès du ministère de la Défense jusqu’en 1993.

Les services effectués pendant la période, où il est détaché successivement aux ministères des Colonies, de la Coopération, des DOM-TOM et des Affaires étrangères, seront récompensés par des nominations dans l’Ordre National de la République de Haute-Volta en 1961 à titre exceptionnel, l’Ordre National du Mérite en 1970, la Légion d’Honneur en 1976, et la médaille d’Honneur du Service de Santé à titre exceptionnel.

Il a été conseiller municipal de Moissac de 1999 à 2001.

 

LA  SOCIÉTÉ  DE PATHOLOGIE  EXOTIQUE

À  OUAGADOUGOU

             Je viens de passer une semaine à Ouagadougou à l’occasion de la première séance délocalisée en Afrique de la Société de Pathologie Exotique consacrée aux progrès des recherches en médecine tropicale, les 2 et 3 novembre dernier au centre culturel français. Cette manifestation inaugurale a connu un indéniable succès avec 80 communications orales et affichées, réalisant au-delà des espérances son objectif de donner principalement aux médecins et chercheurs de la région la possibilité de présenter leurs travaux.
           
Parmi les personnalités présentes, présidant une des sessions, le Professeur Tinga  Robert GUIGUEMDE, général de brigade, navalais de la promo 1969, à qui j’ai présenté, à défaut de l’être moi-même, mon fils cadet, promo 75, radiologue à Amiens qui, m’accompagnant avec scepticisme, est rentré emballé de son retour en Haute-Volta 40 ans après.

             En marge des savantes contributions des uns et des autres sur les thèmes d’actualité auxquels je suis devenu bien incapable de pouvoir me frotter, il me revenait de conclure la première journée, où s’étaient succédées à un rythme soutenu les brillantes interventions des jeunes équipes qui sont sur le terrain, en traitant en quinze  minutes le sujet que, faute de mieux dans ma retraite provinciale, j’avais proposé :

 

                L’hôpital Yalgado Ouédraogo au début des années 1960.

                            Rétrospective de l’activité des services médicaux.

                                   (à partir d’une recension de publications)

 


CHU Yalgado Ouedraogo

            En toute immodestie, je dois dire que ce fut un triomphe ! Tout en l’espérant un peu, je n’imaginais pas éveiller un pareil intérêt en rappelant ce que j’avait fait à Ouagadougou, où j’étais arrivé à 30 ans en 1959, frais émoulu de l’assistanat, et revenu au début de 1964 après le médicat, que je retrouvais dans mes publications de l’époque au nombre de quatorze pour cinq ans en deux séjours.

            Il est regrettable que nous désertions depuis déjà trop longtemps les lieux où nous avons tant donné. Nous n’étions que trois anciens militaires : le président de la Société de Pathologie Exotique à qui revient l’initiative de cette délocalisation, Pierre SALIOU (Ly 58), agrégé du Val de Grâce, ancien du centre Muraz, Jean ROUX (Bx 57) ancien lui aussi du centre Muraz et moi-même (Ly Colo 48) qui ai ouvert en 1962 l’hôpital Yalgado Ouédraogo devenu le C.H.U. de Ouagadougou, doyen d’âge de la docte assemblée. Notons en passant que c’est un agrégé du Val de Grâce, Alphonse LAVERAN, prix Nobel en 1907, qui a créé en 1908 la Société de Pathologie Exotique.

            Pour la Toussaint j’ai assisté à la Cathédrale, qui était comble, à la messe, chantée en latin ce jour-là - c’est le cas une fois par mois - par la chorale grégorienne, dont un des animateurs, avec qui je n’ai pu avoir qu’un très bref échange, s’est présenté à moi comme étant un médecin colonel ancien navalais, d’une promo des années 70...


Cathédrale

            Au restaurant de l’Eau vive, les travailleuses missionnaires que j’ai connues à leurs débuts en 1960, ont essaimé à travers le monde. Je les ai vues s’installer  à Nouméa en 1970, et elles étaient à Dalat lorsque je suis arrivé au Vietnam en 1973. Elles ont maintenant une trentaine d’établissements de par le monde, où l’on arrête toujours le service du soir pour chanter l’ave Maria.

             Francis LILIOU, navalais de la promo 66, directeur de la médecine du sport a emmené mon fils, dont cette discipline est le violon d’Ingres en Picardie, à l’arrivée du tour du Burkina, ce qui a débouché sur un projet de partenariat régional.

           La population de Ouagadougou n’atteignait pas 100 000 habitants lorsque je suis parti en 1966. Elle dépasse largement le million : 1 200 000, 1 300 000…avec le chantier pharaonique de Ouaga 2000 qui attire des investisseurs de partout, notamment Chine et pays arabes.

              Un nouvel aéroport est en projet, ainsi qu’un autre C.H.U.

 

Route goudronnée

Ouagadougou - Dori

              Le campus universitaire reçoit 35 000 étudiants, dont plus de mille en médecine entraînant l’ouverture cette année d’une faculté à Bobo dont le doyen est le médecin général GUIGUEMDE, tandis que l’ordre soignant italien des camilliens, installé depuis longtemps au Burkina, ouvre de son côté une faculté catholique.


Campus universitaire

                 J’ai pu me rendre à Markoye à 360 kilomètres de la capitale aux confins du Niger, où me tient à cœur la question des gravures rupestres dont j’ai rapporté le premier l’existence aux autorités voltaïques par courrier officiel en février 1962. La route est maintenant goudronnée jusqu’à Dori, mais ensuite vers Gorom-Gorom et au-delà c’est toujours la piste. Depuis 1997 ces vestiges donnent lieu à des travaux d’archéologues toulousains et burkinabés qui, bien que je me sois signalé à eux en me réjouissant de leur entreprise, ne font toujours pas mention que je suis le véritable inventeur du site avec mes camarades des TDM Pierre ROUAULT et Gustave GIUDICELLI,, à l’époque médecins à Dori, chez qui je passais Noël en 1961. J’ai reçu, m’étant fait connaître, un excellent accueil, du maire et du président de l’association créée sur place pour la conservation et la promotion de ce patrimoine, à laquelle j’ai adhéré sur le champ, en versant un don conséquent.


Gravures rupestres


Le maire de Markoye

             A mon retour à Ouagadougou, le chef du département d’histoire et d’archéologie m’a très aimablement accordé un entretien impromptu : il avait sur son bureau en évidence le dossier que je lui avais envoyé en juin dernier pour lui annoncer ma visite à l’occasion du séjour que je projetais en novembre. N’étant pas spécialiste, il a appelé un des deux maîtres-assistants travaillant avec l’équipe toulousaine pour le lui remettre en ma présence.


Bureau chef du département H & A

              Grâce à la perspicacité d’un fonctionnaire burkinabé en retraite qui, ayant eu l’idée de lire patiemment le journal officiel de la colonie, m’a apporté le résultat de ses recherches, j’ai enfin retrouvé la trace du Lairac   et non Layrac comme je l’écrivais, abusé par une homonymie - qui avait donné son nom au pavillon des premières catégories de l’ancien hôpital de Ouagadougou :

                        En date du 26 mars 1927

       Le médecin principal de 2° classe Lairac, du corps de Santé des Troupes Coloniales, débarqué à Dakar le 11 mars 1927 et affecté hors-cadres en Haute-Volta en qualité de Chef du Service de Santé, prendra ses fonctions pour compter du 26 mars 1927.


Fonctionnaire burkinabé

               Ce Lairac doit correspondre à celui qui figure dans l’annuaire des anciens élèves de l’Ecole de Santé Navale de 1890 à 1989 au titre de la promotion 1890 sorti en 1893 dans la Coloniale. Reste à confirmer  ce que me disait en 1959 mon vieil infirmier major, qui l’avait connu : il serait décédé à Ouagadougou d’une occlusion intestinale. Mais alors pourquoi son nom manque-t-il dans la liste des victimes du devoir au Pharo ?             
             
Je logeais chez une de mes anciennes infirmières, devenue une personnalité marquante du monde associatif pour la défense des femmes au plan national, et aussi dans les instances internationales où elle est appelée à intervenir régulièrement. Cela m’a permis de mesurer toute l’importance du rôle des ONG qui mettent en œuvre des moyens considérables financés par des partenariats solidaires. Il en va de même pour les mouvements d’Eglises, comme Caritas internationale  Le directeur pour l’archidiocèse de Ouagadougou de cet organisme est un jeune prêtre dont le cardinal ZOUNGRANA m’avait confié le parrainage pendant son temps de séminaire. Pour la petite histoire, notre corps de santé colonial a joué un rôle sine qua non dans la création, lors de Vatican II,  du premier cardinal de l’Afrique noire francophone, par ailleurs premier cardinal chez les pères blancs depuis leur fondateur le cardinal LAVIGERIE. Le cardinal Paul ZOUNGRANA m’ accueillit un jour de juillet 1994 où il me recevait à sa table en me demandant des nouvelles du docteur COMBESCOT de MARSAGUET, qui l’avait déclaré guéri de la trypano en 1942 ; et s’amusait de préciser à ceux qui s’étonnaient de la familiarité dans laquelle il me tenait, comme par exemple l’ambassadeur de France chez moi, alors qu’à l’époque il ne sortait  pas dans le monde, à l’occasion du baptême de ma fille : « mais Excellence, sans le docteur PIRAME, il n’y aurait pas de cardinal ZOUNGRANA », faisant allusion à la typhoïde sévère pour laquelle, tout nouvel archevêque, je l’avais soigné et Dieu  guéri en 1961.

             

              Dans une librairie des galeries marchandes de l’hôtel Indépendance, dont je vis l’ouverture en 1961, je suis tombé sur les Mémoires du général Sangoulé LAMIZANA, ancien président de la République de Haute-Volta après l’éviction de Maurice YAMEOGO en janvier 1966. Il y a tout au long de ces pages une apologie affectueuse des troupes coloniales qui devrait en surprendre plus d’unparmi les contempteurs de notre présence en Afrique, si leur attitude n’était pas avant tout fondée sur le principe de culpabilité qui est devenu dans notre pays l’incontournable pont aux ânes des belles consciences. Il y raconte  par le détail comment un jeune broussard, apprenti menuisier après un échec au certificat d’études primaires qui ambitionnait de devenir infirmier médical ou vétérinaire, se retrouva à 18 ans recruté en 1936 à son corps défendant comme engagé volontaire pour quatre ans à l’instigation du commandant de cercle désireux de se débarrasser d’un trublion accusé de tapage nocturne. Enrôlé ainsi inopinément pour faire un tirailleur, il put préparer son CEP et cette fois l’obtenir. Ses brillantes capacités aussitôt remarquées devaient lui permettre, franchissant rapidement tous les grades de sous-officier de devenir un officier français, et combien fier de l’être, faisant campagne en Indochine et en Algérie, décoré de la Légion d’honneur, qui serait en 1961 le premier chef d’état-major de la jeune armée de la Haute-Volta accédant à la souveraineté. A la fin de mon deuxième séjour, il m’avait proposé de revenir, mais avait très bien compris que le désir de ne pas enfermer ma carrière outre-mer dans un même pays me fasse décliner cette marque d’estime. Parmi ses successeurs à la présidence dans la période troublée qui suivit son départ en 1980 il y eut pendant quelques mois un ancien navalais le médecin- commandant Jean Baptiste OUEDRAOGO (Promo 1967). Ce camarade dirige depuis cet éphémère épisode politique la plus importante clinique de la place, et bénéficie du statut d’ancien chef de l’Etat.

         Malgré un emploi du temps des plus serrés, j’ai tenu à aller saluer à son domicile le Docteur Joseph CONOMBO, qui était maire de Ouagadougou à mon arrivée en 1959, et m’a depuis toujours honoré de son amitié. Formé à l’Ecole de médecine de Dakar pour être médecin auxiliaire indigène, c’est en cette qualité, après avoir été incorporé comme tirailleur sénégalais, qu’il participe au débarquement en 1944 en Corse, à l’île d’Elbe, à Saint-Tropez, et à la campagne de libération jusqu’en Allemagne. Il met à profit son séjour à Paris où il est élu à l’assemblée nationale en 1951 pour présenter une thèse de doctorat sur Jamot, qui lui vaudra le titre de lauréat de la Faculté de médecine, avant d’entrer en1954 dans le gouvernement de Pierre Mendès - France comme secrétaire d’état, à l’intérieur en 1954, aux affaires économiques en 1955.

        Pour conclure sur un constat sociologique, la fréquentation de nombreux restaurants, qui comptent très cher une cuisine approximative, m’a donné à penser qu’il existe une classe moyenne disposant  des revenus appropriés en faveur d’une élévation du niveau de vie, qui, pour ne toucher encore qu’une petite minorité, n’en mérite pas moins d’être soulignée.