Au matin, toute l’artillerie placée sur le plateau des Carmes tonne pour saluer l’Empereur et les visiteurs. A 9 heures débute la réception des autorités et du conseil municipal suivie d’un discours habile et fastueux dans le style de l’époque du maire de Montauban qui effectue une demande précise. Un hommage est rendu au nom de la ville à Joséphine, par « le truchement de trente demoiselles d’une merveilleuse élégance, toutes vêtues de blanc, la plupart de satin », mais « la nonchalante créole » épuisée par le voyage ne peut recevoir la délégation. L’assistance s’émeut à l’arrivée au palais d’une femme âgée, Peyronne Lacaze, veuve de Jean Labruyère vigneron à la paroisse du Fau, qui vient déposer aux pieds de l’empereur « le fusil d’honneur » attribué à son fils tué sur le champ de bataille. Napoléon lui accorde une pension. Mise en scène, légende ou réalité ?
Vialètes de Mortarieu est invité à s’entretenir avec le ministre secrétaire d’état Maret, de la création du nouveau département dont Montauban devrait être le chef-lieu. Peut-être est ce là que, selon la légende locale, Napoléon pose sa main sur une carte et en trace les limites ?
Quoi qu’il en soit, le grignotage des départements voisins est réalisé, plus vraisemblablement, par canton : L’Aveyron cède celui de Saint-Antonin, la Haute- Garonne ceux de Beaumont, Castelsarrasin, Grisolles, Montech, Saint-Nicolas, Verdun, Villebrumier, le Gers celui de Lavit, le Lot ceux de Bourg-de-Visa, Caussade, Caylus, Lafrançaise, Lauzerte, Moissac, Molières, Monclar- de-Quercy, Montauban, Montpezat-de-Quercy, Nègrepelisse, enfin le Lot-et-Garonne ceux d’Auvillar, Montaigu-de-Quercy et Valence. |
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Ainsi est créé le plus petit des départements qui compte 3730 km2 et une population un peu plus importante que celle d’aujourd’hui. |
L’Empereur veut bien déclarer à son départ qui s’effectue à 7 heures du soir, deux heures après l’horaire prévu : « je suis satisfait de l’amour que m’ont témoigné mes fidèles sujets de ma bonne ville de Montauban. J’ai vu avec peine les pertes qu’elle a éprouvées. Je la rétablirai dans ses droits. Vous pouvez la regarder comme chef-lieu de département et je la mettrai au rang des grandes villes de mon Empire ».
Après une dernière harangue prononcée par monsieur de Scorbiac, 1’adjoint au maire, un échange de cadeaux par l’entremise du grand maréchal du palais, une dernière salve des batteries de canons installées sur la plateforme en face du quai Montmurat, le cortège impérial file à l’allure habituelle vers Moissac où, accueilli par le maire Jean-Pierre Détours, il traverse le Tarn sur un pont de bateaux et effectue une courte halte à l’auberge de madame Lafleur près de l’hôtel de ville. Napoléon reconnaît là un ex-député des Cinq-cents qu’il interpelle familièrement :
« Tu veux toujours m’assassiner, Delbrel ? ».
Ce dernier qui, le 18 brumaire, menaçait la vie de Bonaparte, avait dû être évacué de la salle du conseil entre deux grenadiers.
« Que veux-tu pour ta ville ? ».
« Sire, un pont et une sous-préfecture ».
« Tu auras les deux et aussi un tribunal ».
Pierre Delbrel avocat de formation, sera le premier président du tribunal civil de Moissac, nommé, fait rare, sans être contraint à prêter serment. La construction du pont décidée et lancée, ne sera achevée que sous Napoléon III. La ville devient sous-préfecture du nouveau département et le restera jusqu’en 1926.
L’Empereur qui a décidé de rentrer vers Paris, peut être depuis qu’il a eu connaissance des combats et de la capitulation de Junot à Baylen, reprend la route de Bordeaux après un repas rapide préparé par son cuisinier et l’audience des personnalités locales.